[ N°13 ] CATHOLIQUES, PROTESTANTS
Que tout le monde repose en paix !
≡ Un Cimetière qui déménage
Au milieu du 19ème siècle, la population du village, en forte augmentation, atteignait déjà 1 500 habitants. L’ancien cimetière médiéval au nord du château devint exigu.
Dans les années 1850, il fut décidé de déplacer le cimetière au sud du village, le long de la route de l’Argelier. La réalisation du projet fut confiée à un jeune architecte prometteur, Ferdinand DAUSSET (1).
Celui-ci dessina deux espaces presque identiques (2), d’un côté le cimetière catholique et de l’autre celui des protestants.
≡ Un parfum de toscane
Ce « double » cimetière, clos d’un mur de plus de 2,5 mètres de hauteur et planté de nombreux cyprès, donnerait presque un air de Toscane.
L’accès se fait par deux porches d’architecture identique surmontés d’acrotères, mais avec des ornements de pierre spécifiques pour chaque religion : une croix latine pour les catholiques, une urne funéraire pour les protestants.
Aux croisements des allées centrales avec des allées perpendiculaires, sont érigés deux monuments, là aussi, d’une base commune mais d’ornementations différentes afin de symboliser les religions majeures de l’époque. Nous retrouvons d’ailleurs les attributs des porches d’entrées sur ces stèles :
- La croix latine, immédiatement compréhensible par tous pour le côté catholique.
- Une urne drapée pour le coté protestant : les urnes funéraires sont présentes dans presque toutes les civilisations qui ont pratiqué les rites de crémation. Dans la symbolique funéraire, ce motif rappelle les vases antiques où les Anciens conservaient les cendres mortuaires. L'amphore représente l'enveloppe corporelle de l'âme. On les appelle aussi urnes cinéraires. Elles peuvent être, comme ici, recouvertes du voile de la tristesse (3). Cette sculpture en métal peint est très dégradée. La corrosion à rongé le fer, des morceaux manquent, des pans entiers sont disjoints, à tel point que la lecture en devient difficile. Souhaitons que cette statue soit un jour restaurée…
≡ Inauguration
L’ensemble fut inauguré le 19 avril 1854 (4), conjointement par l’évêque de Nîmes monseigneur CART et le curé d’Aubais BATAILLE du côté catholique, et le pasteur FRAISSINET du côté protestant. Et aussi en présence du maire Jacques Charles GRUVEL, de son adjoint Jacques ARNAUD et de l’architecte Ferdinand DAUSSET.
- Jean-François-Marie CART (30 août 1799, Mouthe - 13 août 1855, Nîmes) est un prélat, évêque de Nîmes de 1837 à 1855 (5). Il est le fils de Claude François CART, avocat et notaire à Mouthe et de Jeanne Françoise FAVROT, deux vieilles familles meuthiardes. Il fait ses études au collège de Pontarlier où il est décrit comme farceur et tracassier, puis aux séminaires de Nozeroy, Ornans, Besançon. Il est d'abord vicaire de l'abbé BONJOUR à Pontarlier, puis dirige le séminaire de Besançon et devient vicaire général de l'archevêché. Il est nommé évêque de Nîmes le 22 décembre 1837. Frappé par la maladie à partir de 1851, il meurt le 13 août 1855 dans ses fonctions épiscopales.
- Le pasteur FRAISSINET est descendant d’une famille cévenole.
- Le curé BATAILLE était en fonction à l’église depuis le 8 octobre 1844 et jusqu’au 5 mai 1856.
- Jacques Charles GRUVEL est descendant d’une des plus ancienne famille d’Aubais, présente dès le XVIe siècle. Nombreux furent les GRUVEL ayant fonctions dans la commune. Il est encore maire d’Aubais en 1862 (6).
≡ Bénédiction
La mémoire de la bénédiction de la croix et du cimetière par Monseigneur CART est restée dans l’église d’Aubais (7), et cette mention coïncide parfaitement avec le texte du monument du cimetière catholique.
≡ Agrandissements
Peu de temps après, en 1877, un nouveau projet fut élaboré comme en témoigne ce « plan du projet d’agrandissement des cimetières aux deux cultes » (8).
Par nécessité il fut encore agrandi à la fin du XXe siècle, toujours vers le sud. Une nouvelle extension est à l’étude.
≡ Conservation
A l'hiver 2021, la municipalité a eu la très bonne initiative de restaurer le mur d’entrée des cimetières, et ces deux monuments ont été nettoyés et remis en valeur.
(1) - Il est notamment connu pour ses plans du groupe scolaire de Liac (1878-1886) Archive départementale des Hautes-Pyrénées n°T 192. Pour ceux de la chapelle de l’ancien petit séminaire de Saint-Pé-de-Bigorre (hautes-Pyrénées) (1858-1859) , Inscrit Monument Historique le 14 aout 2008. Il dresse aussi le plan du bornage des biens communaux de Montaud et de St-Bauzille de Montmel en faveur de Monsieur le Marquis de Montlaur le 6 mai 1867.
(2) - La population presque entièrement croyante se répartit presque équitablement entre les deux fois chrétienne.
(3) - Nous retrouvons ce symbole de l’urne drapée dans beaucoup de cimetières de la région. Notamment à Sommières, ou à Montpellier sur la tombe arménienne de Grigor ter MKRYTICHYAN, décédé en 1865 est composée d’une colonne surmontée d’une urne funéraire drapée.
(4) - Comme en témoignent les plaques de marbre blanc identiques insérées sur une face des deux monuments.
(5) - L'abbé BESSON publiera en 1856 « Une Vie de Monseigneur Jean-François-Marie CART». Mais son passage à Aubais n’est pas mentionné dans cette biographie.
(6) - (1861-11.10.1862) Voir le « Tableau des communes par cantons » dans l’Annuaire du département du Gard pour l’année 1866. Publié sous les auspices du conseil général du Gard et sous la direction de M. le préfet du département, suivant les documents recueillis et mis en ordre par MM. Ernest LIOTARD, chef de la division de l’agriculture, du commerce et des travaux public (Administration départementale), à la Préfecture du Gard. Et Charles LIOTARD, secrétaire général de la Mairie de Nîmes. 50eme année. Nîmes chez CLAVEL-BALLIVET et Compagnie, imprimeurs, 12 rue Pradier. 1866 .p. 223.
(7) - « Tableau des curés d’Aubais » (19.04.1854).
(8) - (1877) Archive Communale d’Aubais, 2 M 1.
Auteur : François Lavergne
Historien amateur, passionné et éclairé, François, co-Président de l'association, et par ailleurs aubaisien accomplit un formidable travail de recherche et de collectionne depuis de nombreuses années objets et documents relatifs à l'histoire d'Aubais. Conférencier et guide à ces heures perdues, son patient et minutieux travail de recherche est à l'origine de cette série Biblioteca Albassiana.